La sécurité routière, en permanence agressée !

 Elle est sans nul doute l’un des services publics les plus sollicités et les plus ingrats pour ceux qui l’assurent.

La sécurité routière est tout le temps mise à l’épreuve, malmenée et même agressée par les usagers de la route. Comme quoi, les bénéficiaires brutalisent leurs prestataires d'un service gratuit !

Des agressions « soft »

L’intensité et les types d'agressions varient. Celles qui sont permanentes, prennent des formes pacifiques, voire « soft », discrètes et nuisibles pour la bonne marche du service public. Les auteurs vous donnent l’impression de vous servir gentiment.

Mendiants, petits marchands ambulants, « nettoyeurs » de parebrises … se bousculent aux carrefours, autour des feux tricolores, offrant, chacun, ses prières, ou proposant ses services marchands. Alors qu’en réalité, ils vous acculent, vous agacent, et perturbent la fluidité et la régulation de la circulation routière.

En face, les agents de l’ordre sont gênés dans l’exercice de leur travail, et semblent totalement désarmés. Les textes et les doctrines définissant leur mission et modes d’action sont-ils muets au sujet de ce type d’insécurité ? Ou plutôt, les hommes- et, éventuellement, les femmes- en charge de leur application, ont-ils pitié d’un monde de déshérités aux visages douloureusement tristes et variés : des enfants, des handicapés, des jeunes, des femmes et des vieillards, de malheureux bébés trainés dans de misérables poussettes ou à dos ou dans les bras de l’un des leurs… Tous, aussi pauvres les uns que les autres !

Pour survivre, ces « damnés de la terre » n’ont, en effet, d’autre alternative qu’exposer pitoyablement leur vie et leur santé à de multiples dangers : accidents de la route, pollution automobile, gaz d’échappement et nuisances sonores, aléas d’un climat pas toujours clément : soleil brulant, rafales de vents de sable, froids...

La partie émergée de l’iceberg

Il n'est pas rare ces derniers temps que des enregistrements vidéo invraisemblables circulent. On y voit des agressions très violentes contre les membres de la force publique déployés aux carrefours ou sur les routes. Les contrevenants n’hésitent pas à frapper les agents de l’Etat en charge de la sécurité routière, alors que ceux-ci exécutent leur mission.

Ces cas choquants, largement relayés sur le net, ne présentent pourtant que la partie émergée de l’iceberg. Sont beaucoup plus nombreuses, les agressions physiques et verbales, passées sous silence, dont sont victimes les membres du GGSR (Groupement général de la sécurité routière), ainsi que leurs frères de métier au sein de la police et de la gendarmerie. Les militaires et les gardes, déployés dans les villes et sur les routes, n’y échappent pas non plus, notamment lors des périodes sensibles de couvre-feu.

Un grand effort pédagogique à entreprendre…

L’insécurité routière est d’autant plus inquiétante qu’elle s’accompagne d’irrespect et d’agressions, de plus en plus fréquents, à l'égard de la force publique. Un incivisme violent qui s’explique principalement par la sous-informassion et l’ignorance. C’est dire combien est prioritaire l’engagement d’un important effort de pédagogie en direction des usagers de la route et des citoyens. Informer et sensibiliser constituent naturellement un aspect fondamental de la mission de sécurité routière. Son succès dépend, en effet, de l’adhésion consciente, à la fois des membres de la force publique engagés et des populations.

Une stratégie de communication s’impose. Elle aura naturellement pour contenu les règles et codes en vigueur en matière de sécurité routière.

Un GGSR qui communique bien, et au-dessus de tout soupçon

L’ère de la « grande muette » est totalement révolue. Toute guerre, quelles qu’en soient la nature ou l’intensité, se gagne d’abord sur le champ de l’information. En complément de la diffusion des aspects pratiques, juridiques et réglementaires, l’action pédagogique visera à faire mieux connaitre les structures et institutions en charge de la sécurité routière.

Inutile d’insister sur les déficits et carences dans ce domaine. Il suffit de rappeler que le Groupement Général pour la Sécurité Routière est surtout connu sous le nom propre d’une personne.

Sur le plan de la symbolique, les logos et insignes de ce corps doivent porter un message qui transmette et rappelle clairement son caractère spécifique, de force spécialisée dans le domaine de la sécurité routière. L’image de feu tricolore nous semble suffisamment expressive comme insigne propre au GGSR. On pourrait y ajouter d’autres motifs ou signes à caractère militaire ou autre, comme une épée par exemple.

  

Comme tous les corps militaires et paramilitaires constitués, le GGSR doit avoir ses propres tribunes d’information. A l’instar de l’Armée, de la Gendarmerie, de la Garde, de la Police, de la Douane et d'autres organismes ou institutions publics, il est appelé, lui aussi, à avoir son propre journal, son propre site d’information, ses propres comptes : Facebook, Twitter, YouTube...

Bien entendu, l’efficacité de toute communication dépend tout d'abord de la crédibilité de la source dont elle émane. L’exemplarité est donc requise, en priorité chez les membres de la force publique en contact direct avec les usagers de la route et avec les citoyens. Ils doivent avoir toujours présent à l’esprit le devoir d’être irréprochable sur les plans moral et professionnel. Leur formations initiale, comme leurs perfectionnements continus, devront être tournés vers ces deux axes où les défauts ne manquent malheureusement pas au sein de notre société.

Applicabilité et application des textes : Rigueur, rigueur !

Je fus témoin de deux incidents qui me reviennent fréquemment à l’esprit. L’un concerne l’inapplicabilité de certains de nos textes qui régissent la sécurité routière, alors que le second en dit long sur leur inapplication.

Fin novembre 2016, je fus empêché, pendant une bonne heure, en traversant Boutilimit, de continuer mon voyage, par un bon groupe de transporteurs en grève. Ils organisaient une manifestation pour crier leur mécontentement, et bloquèrent la route pour protester contre la confiscation par l’Etat de véhicules légers appartenant à leurs collègues. On aurait trouvé à leur bord de la drogue dans les bagages de passagers. Or, dans ce cas, une loi- ou un décret- de l’époque sanctionnait le transporteur en confisquant son outil de travail et sa source de revenu.

En quoi les transporteurs sont-ils responsables de ce que mettent les passagers dans leurs bagages ? Les incriminer pour cela c’est tout simplement de l’injustice. Ils tourneront logiquement leur colère directement contre l’agent ou l’équipe de l’autorité publique qu’ils auront en face d'eux. S’ils l’agressent verbalement ou physiquement, c’est en premier lieu à cause de ce texte injuste !

Et ce n’est pas son seul grand défaut. Si le moyen de transport, au bord duquel se trouvait un passager qui achemine de la drogue, était un avion de ligne, un navire de transport de marchandises ou un paquebot, appartenant à un pays étranger ou à une entreprise internationale, que faire ? Dans ces cas, la confiscation de l’engin de transport étant inimaginable, l’applicabilité de la loi ou du décret considéré(e) est totalement mise en cause. Il faudra donc « toiletter » nos textes et veiller à l’avenir, lors de leur élaboration, à qu’ils ne souffrent pas de lacunes les rendant inapplicables ou injustes.

Le deuxième incident : je circulais une fois avec un ami à bord de son véhicule. Arrêtés à un poste de contrôle, à la sortie de Nouadhibou, alors que nous nous attendions à que l’agent de police finisse de vérifier nos papiers, son collègue lança en direction de mon ami :

Tu ressembles beaucoup à Sidi Ould (…) »

- « C’est mon frère », lui répondit mon compagnon.

- « Dans de cas partez, moi, votre tribu, je l’admire beaucoup ».

Et il ordonna à son collègue de nous remettre nos papiers.

J’en conclus que, pour ce représentant de la force publique, admirer une tribu veut dire s’abstenir de faire correctement son travail quand il touche un membre de cette dernière. Cette antinomie entre notre culture tribalisme d’un côté, et la conscience professionnalisme de l’autre, et ses conséquences néfastes sont vérifiées dans quasiment tous les domaines et secteurs de la vie et de l’action publique.

Au sein des forces de défense et de sécurité, elles doivent être combattues sur tous les fronts. Leurs préjudices touchent toutes les parties. Par exemple : j’ai appris récemment que des tractations d‘ordre tribal sont en cours depuis quelques jours pour régler un conflit qui oppose un membre du GGSR à un conducteur de véhicule. Ce dernier ayant porté sa main sur le soldat, les parents de la victime et ceux de l'agresseur les poussent à une entente conduisant, au nom des liens traditionnels entre les deux tribus, au retrait de toute plainte auprès du tribunal.

Je crains fort bien que ces tractations aboutissent et que l’affaire soit ainsi réglée définitivement. L’agression et les atteintes contre les symboles de l’Etat, de son message, que portait la victime, elles, seront oubliées. Ils n’ont pas de tribu, pour les défendre, les symboles de l'Etat !

Or l’application rigoureuse des textes est indispensable dans ce genre d’affaires où l’Etat est agressé, et son autorité défiée et mise à mal au vu et au su de tout le monde.

Renforcer la crédibilité de l’administration publique et son action, cultiver l’esprit civique et combattre l’incivisme, parmi les citoyens, sont à ce prix. Aucun marchandage, douteux ou nocif, n’est tolérable quand il s’agit de ces trois grands chantiers. Nous avons vraiment besoin pour qu'ils soient conduits correctement.

El Boukhary Mohamed Mouemel

 

P-S (complément)

J’ai omis de souligner un phénomène intéressant à analyser et à traiter.

Il s’agit d’hommes qui se prennent pour représentants de l’autorité publique et, de leur propre chef, se comportent en agents régulateurs de la circulation routière. Dans leur démarche et attitude ils font montre de bizarreries qui portent à croire qu’ils souffriraient de troubles mentaux.

Les usagers de la route se soumettent généralement à leurs injonctions, craignant leurs réactions imprévisibles et violentes en cas de refus d’obtempérer. De leur côté, les autorités légales laissent faire. En tout cas elles ferment les yeux jusqu’à présent par rapport à ce curieux phénomène, où des individus, qui n'ont pas l'air d'être tout à fait normaux, se substituent à l'autorité de l'Etat.

El Boukhary Mohamed Mouemel

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